LA GRANDE EAU Le nom Léman aurait pour origine les termes "lem" qui
signifie "grand" et "an" qui veut dire "eau" en
langage de base celtique.
Du Léman et des philosophes Cette fois, c’est le lac Léman, alias la Grande Eau, que Blok
et Francioli ont fait le pari de s’approprier. Le projet Stéphane Blok et Léon Francioli collaborent depuis plus de deux
ans. La première thématique abordée en 2005 par le duo
fut les révolutions astrales et humaines, qui donna naissance à l’album « Boum ».
Ce travail fut complété par la création du spectacle scénique « Les éphémères »,
déclinant la beauté contenue dans l’éphémère
des choses et des êtres. Ils s’engagent aujourd’hui dans
un troisième volet intitulé « La grande eau ».
Il s’agit donc d’un processus de création continu au fil
des ans, la déclinaison d’une même thématique :
le temps.
Le thème L’origine du mot du nom Léman nous vient du celte qui signifie « grande
eau ». Le lac Léman est le plus profond d’Europe, il
prend sa source dans les glaciers alpins et coule jusqu’à la mer.
C’est un sablier géant, qui ne donne pas l’impression de
s’écouler. Pourtant il fut un temps où il n’existait
pas et vient un jour immanquablement où il se sera vidé dans
les océans. C’est un cadran solaire immense et éphémère.
Il suscite le respect de ceux qui le connaissent et conditionne depuis toujours
la vie et les traditions de tous ceux qui vivent sur ses berges. Méthode de travail C’est un travail entrepris il y a plus de deux ans qui maintenant prend
la forme de « La grande eau ». Le duo Blok-Francioli
développe un vocabulaire et un répertoire commun tout au long
de l’année. Les répétitions, les discutions, les
concerts et autres performances scéniques se succèdent :
il s’agit donc d’un « work in progress »,
un travail en continu. Trois étapes sont prévues pour « La
grande eau ». La première aura lieu à Genève
dans le cadre du Festival Voix de Fêtes le 17 mars 2007 sur un bateau
accosté, où les premiers éléments seront présentés
au public ainsi qu’aux professionnels de la région et de la France
voisine. Une deuxième étape aura lieu à l’été 2007
dans le cadre de concerts itinérants au bord du lac, où le duo
se déplacera au fil des jours pour rejoindre le public dans des ports
différents. La dernière étape, création finale
du projet faisant l’objet du présent dossier, aura lieu à l’hiver
2007-2008 dans les théâtres cité ci-dessus (c.f. Descriptif
techniques). Elle s’accompagnera d’une création lumière
et sonore. La création Tout au long de l’année, les différentes prestations scéniques évoquées
ci-dessus permettront au duo Blok-Francioli de se constituer et de travailler
un répertoire nouveau : celui-ci trouvera son aboutissement dans
les salles de spectacle accueillant la création. Le répertoire
sera complété en fonction des observations et expériences
faites lors des précédentes représentations, afin d’atteindre
un spectacle uni, mais pourtant toujours en évolution. Les intervenants
extérieurs (lumière, manipulation sonore) auront pu prendre connaissance
en amont du contenu et de la forme du spectacle. C’est une méthode
de travail nécessaire au vu du fonctionnement du duo. La création
sera enregistrée. La diffusion Les programmateurs pourront suivre les différentes étapes de
travail prévues durant l’année, le développement
du projet, jusqu’à la création finale en salle. La thématique
de « La grande eau » permet une diffusion
hors des frontières suisses, plus précisément sur l’ensemble
de la vallée rhodanienne jusqu’à Marseille. C’est
pour cette raison que les programmateurs de France voisine seront aussi invités
au concert du Festival Voix de Fêtes à Genève. Parallèlement
le duo Blok-Francioli travaille sur un nouveau concept de production
et diffusion via internet en collaboration avec le label Madeinmusic à Genève à partir
du mois de janvier 2007, ce qui pourrait permettre de soutenir en continu une
diffusion musicale et promotionnelle accessible à tous.
Texte et musique / BLOK-FRANCIOLI
Depuis la nuit temps, un certain nombre de poètes, peintres et musiciens
se sont bien emparés du Soleil et la Lune, sans que ces astres se mettent à moins éclairer
des milliards d’autres bénéficiaires. Leur puissance esthétique
et symbolique, leur éclat et leur prestige s’en sont même
intensifiés.
Alors va pour le Léman, puisqu’il est un astre! Prenez-le, Messieurs
Francioli & Blok.
Le pêcheur pulliéran Mercier (qui m’avait un peu initié il
y a vingt ans aux subtilités secrètes de la météorologie
lacustre quand elle répand des neiges contrastées sur les cimes
savoyardes) vous l’aurait dit aussi, car il parlait comme Héraclite:
- « Le Léman est à vous, il n’appartient qu’à ceux
qui le regardent, et réapprennent à l’aimer! A le réinterpréter.
Mais sachez qu’il vous survivra, parce qu’il bouge, il n’a
jamais été immobile. L’onde qu’il contient n’est
jamais la même. C’est l’eau fluante du Rhône. Donc
elle ne peut pas avoir de propriétaire officiel: Non, ni la Suisse,
ni la France. Aqua alpina. Elle ruisselle depuis le glacier du Rhône,
mais elle s’en fiche, elle s’agrandira, deviendra mer intérieure,
puis fleuve aux méandres couleur émeraude et s’épuisera
quelque part vers Marseille. Or la seule chose que cette onde sait, à l’instant
où règne ici et où on la voit, c’est qu’elle
bouge, avec ses algues arrachées aux montagnes du Valais, ses poissons,
ses reliefs de poubelle. »
Ainsi, Blok et Francioli vont en bateau.
A la fin de l’été 2004, ils s’étaient une
première fois reniflé les naseaux comme deux chevaux désassortis,
puis avaient scellé un pacte hybride, anthropoïde, en attelant
en paire leurs charrues individuelles à une même étoile,
puis à une deuxième, puis à série d’astres
en révolution qui les conduisirent à composer une élégie
commune et sensuelle (pas consensuelle) à la révolution humaine – consignée
dans leur album Boum.
Une substance toujours en mouvement, effervescente et imprévisible, «en
progrès» d’où jaillit aussi la pyrotechnie intimiste
des Ephémères: un spectacle de cordes, de paroles, de lumières,
qui rappelle, comme la métaphore d’Héraclite, que le Temps
est un enfant qui joue au tric trac. Le philosophe d’Ephèse ajoutait
qu’on ne descend jamais deux fois le même fleuve, or le Léman,
on l’a dit, est un fleuve.
Sur la carte de l’Europe, c’est la petite bouche bleue des Alpes
cousue à une seule commissure – la genevoise; un sourire
en coin maussade, un feu de ver luisant.
Mais sa gouille est si profonde (309, 7 m), si volumineuse (89 000
mètres cubes) qu’on pourrait y noyer le genre humain tout entier:
je tiens cette sinistre hypothèse d’évaluation d’un
curé féru de géographie qui nous enseigna aussi Protagoras: L'homme
est la mesure de toutes choses.
Le Léman a été fait pour qu’on se mesure à lui.
Enfin, le Léman me fait songer à une parabole chrétienne
inversée. Celle de saint Augustin observant sur une plage de la Méditerranée
algérienne un enfant qui, à l’aide d’un coquillage,
voulait transvaser toute la mer dans un trou creusé dans le sable.
- Tu n’y parviendras pas.
- J’y arriverai plus vite que toi quand tu cherches à résoudre
des mystères.
Comme le Léman se trouve en amont, ce sont ses eaux qui, par le truchement
du Rhône, ne cessent d’alimenter la Méditerranée:
pour que celle-ci se dessèche du delta du Nil au détroit de Gibraltar,
il suffirait d’obturer une fois pour toutes les écluses du Seujet.
La Grande Eau en devient elle-même un mystère insoluble. Ou plutôt
un soluté mordoré (surtout au crépuscule) des légendes
et fantasmes de tous ses petits peuples riverains, qui en deviennent ensemble
un grand lorsque de mêmes nuages les charrient vers la mer. Le Léman
n’est pas voué à l’éternité, disent
les auteurs: «Il fut un temps où il n’existait pas et vient
un jour immanquablement où il se sera vidé dans les océans.»
Mais il est miroir, celui des métamorphoses et des œuvres en
progrès.
Gilbert Salem
Stéphane Blok et Léon Francioli entreprennent aujourd’hui
d’explorer cette thématique régionale autant qu’universelle
de manière poétique et musicale. Parfois par des allusions à la
vie quotidienne de ses habitants, parfois par le rythme lent du sablier lacustre,
ou alors par les rêves foisonnants de destinations lointaines, le lac
et la région lémanique sont placés au centre de cette
création.